Fusion nucléaire : la promesse d’une énergie propre et illimitée

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Si depuis plusieurs années déjà, la fusion nucléaire suscite l’intérêt de nombreux pays comme la Chine ou la Russie, pour le moment c’est la France et les Etats-Unis qui ont réalisé le plus de progrès dans ce domaine. 

Avec d’un côté le projet ITER et de l’autre des avancées significatives du seuil d’ignition, la production d’énergie par la fusion nucléaire pourrait bel et bien devenir une réalité d’ici plusieurs années. 

On fait le point sur les dernières avancées.

 

Le processus complexe de fusion

Lorsque l’on parle d’énergie nucléaire, il est primordial de bien distinguer la fusion nucléaire de la fission nucléaire.

La fission nucléaire est un phénomène par lequel un noyau atomique lourd et instable est scindé en deux, c’est-à-dire formé à partir d’un grand nombre de nucléons comme l’uranium ou le plutonium.
Cette réaction nucléaire a pour effet d’émettre des neutrons, entraînant une réaction en chaîne et permettant de libérer une grande quantité d’énergie, sous forme de chaleur.
Ce processus, utilisé aujourd’hui dans nos centrales nucléaires afin de produire de l’électricité, génère néanmoins des déchets nucléaires, impossibles à recycler ou à éliminer du fait de la dangerosité liée à leur radioactivité.

La fusion nucléaire, elle, repose dans le procédé inverse de celui de la fusion.
Au lieu de casser les liaisons de noyaux atomiques lourds pour en récupérer l’énergie, la fusion réunit deux noyaux atomiques légers à grande vitesse pour les faire fusionner et créer un seul noyau lourd.
En l’occurrence, il s’agit de deux isotopes de l’hydrogène qui vont donner naissance à un atome d’hélium, un gaz noble, pratiquement inerte et non polluant.
Cette réaction entraînera ensuite un important dégagement de chaleur pour produire de l’énergie.
C’est ce processus, qui est au cœur des étoiles et notamment de notre Soleil, que les chercheurs tentent de reproduire pour bénéficier d’une source d’énergie quasi inépuisable et non polluante.

Si elle est considérée par beaucoup comme l’énergie de demain, la fusion nucléaire reste très difficile à réaliser et à maintenir.
En effet, le Soleil bénéficie de sa masse pour contenir une telle réaction, mais cela devient bien plus compliqué à l’échelle humaine où la difficulté de maintenir une température de plusieurs millions de degrés dans un espace confiné est amplifiée.

Malgré de nombreuses recherches réalisées à travers le monde entier depuis les années 1950, aucune application industrielle de la fusion n’est encore fonctionnelle.
Des chercheurs viennent toutefois de réaliser plusieurs avancées dans ce domaine.

 

Une avancée significative aux Etats-Unis

Le 17 août dernier, un laboratoire américain a annoncé avoir fait une “avancée historique” dans le domaine de la fusion nucléaire.

Lors d’une expérience menée le 8 août 2021 au National Ignition Facility de Californie, les chercheurs ont concentré des faisceaux laser sur un point constitué d’une capsule de deux isotopes d’hydrogène, du deutérium et du tritium. L’expérience a été réalisée grâce à la concentration de la lumière de pas moins de 192 lasers sur une cible de la taille d’un plomb de chasse. La fusion de leurs noyaux a ensuite généré un plasma d’hélium.

Le processus a donné lieu à la production « d’un point chaud du diamètre d’un cheveu”, générant ainsi plus de 10 quadrillons de watts par la fusion, sur une période très brève de 100 trillionièmes de secondes.
Une période très courte mais générant une énergie huit fois plus importante que lors des dernières expériences réalisées au printemps.

Cette avancée place les chercheurs tout près du seuil dignition”, indique le communiqué, c’est-à-dire le moment où la quantité d’énergie produite suite à la fusion dépasse celle utilisée pour déclencher la réaction.

Les lasers ont émis 1,9 mégajoules et la fusion a quant à elle généré 1,35 mégajoules. Ainsi, même si les chercheurs n’ont pas atteint le seuil d’ignition, ils s’en sont rapprochés à 70%, quand les précédents essais ne dépassaient pas 3%.

Cest lavancée la plus significative dans la fusion inertielle depuis ses débuts en 1972.” a commenté le professeur Steven Rose, co-directeur du centre de recherche dans ce domaine à l’université Imperial College London

De leur côté, le MIT et la start-up Commonwealth Fusion Systems (CFS) ont annoncé le 8 septembre dernier avoir conçu un super aimant pour équiper le Tokamak d’un réacteur de démonstration destiné à un fonctionnement commercial dès 2030.
D’une hauteur de 3 mètres et d’un diamètre d’1 mètre 50, ce super aimant utilise des bobines conçues avec un matériau “rare-earth barium copper oxide” (ReBCO), capable de fonctionner à 20 kelvin.

 

Un programme scientifique international en France avec ITER

En France, c’est dans le département des Bouches-du-Rhône que le plus grand programme scientifique international a pris place.
Baptisé ITER pour International Thermonuclear Expérimental Reactor, ce projet est parti de l’idée d’une collaboration internationale sur l’énergie de fusion. 

Lancé en 1985, ce projet regroupe 35 pays engagés dans la réalisation du plus grand Tokamak, une machine expérimentale conçue pour exploiter l’énergie de la fusion. Le tout avec des composants fabriqués en Europe, en Chine, en Inde, au Japon, en Corée du Sud et aux Etats-Unis.

Le but étant de réussir à prouver l’utilisation de la fusion comme source d’énergie à grande échelle, illimitée et propre.
La machine sera chargée de réaliser des décharges de plasma de longue durée et testera à cet effet des technologies, des matériaux et des régimes de plasma nécessaires pour produire de l’électricité.
Un résultat décisif pour les futures centrales de fusion électrogènes. Si toutes les étapes se passent comme prévu, la production expérimentale du premier plasma aura lieu pour fin 2025 et, si les résultats sont concluants, un démonstrateur industriel devrait être opérationnel d’ici 2035.

En juillet 2020, l’assemblage du réacteur à fusion nucléaire était officiellement lancé sur le site de Cadarache.
Depuis, les différents éléments arrivent des quatre coins du monde pour former ce projet expérimental.
En août dernier, la Corée du Sud livrait le deuxième secteur de la chambre à vide de 440 tonnes, destiné à être assemblé avec deux bobines de champ toroïdal et des panneaux d’écran thermique sur un outil dédié dans le Hall d’assemblage. 

Début septembre, la cinquième bobine de champ toroïdal en provenance de l’Europe était livrée. Il s’agit de la huitième sur les 19 attendues. Les Etats-Unis livraient le 1er module du solénoïde central, la colonne vertébrale de la machine, composé de six bobines indépendantes assemblées dans une structure verticale.

Même si la fusion nucléaire génère certains désaccords parmi les scientifiques, notamment quant à sa faisabilité, elle continue de passionner et de progresser.

Si les projets en cours aboutissent à des résultats concluants, en théorie, la fusion nucléaire pourrait fournir toute l’énergie nécessaire à une échelle mondiale, avec seulement quelques grands réacteurs. 

 

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Image de couverture :  photo d’illustration.