La cameline : une solution miraculeuse pour décarboner le transport aérien ?


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Alors que le secteur aérien peine à trouver des alternatives de carburant durable pour poursuivre sa décarbonation, la cameline pourrait bien être une nouvelle piste sérieuse. Dans l’Eure, cette plante oléagineuse fait actuellement l’objet d’une expérimentation pour servir de biomasse dans la production de biocarburants destinés à l’aviation. Une expérience qui pourrait, à terme, révolutionner le transport aérien.

Le manque de biomasse dans la course aux CAD

Dès 2020, la France a mis en place un calendrier d’obligations d’incorporation de carburants aviation durables (CAD, ou SAF en anglais) en amont du Pacte vert de l’Union européenne. Ainsi, en cohérence avec les ambitions de l’Europe d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, le carburant (kérosène) du secteur aérien devra contenir 2% de CAD en 2025, puis 6% en 2030 et enfin 70% de CAD d’ici 2050.

Pour respecter ces objectifs au niveau mondial, la production de CAD devrait donc atteindre les 400 millions de tonnes en 2050, alors qu’elle s’élève à seulement de 250 000 tonnes en 2022.

Mais avec les contraintes fixées par l’Europe, la filière peine à trouver une biomasse, c’est-à-dire une plante ou une céréale dont on peut extraire de l’huile, que les pétroliers peuvent ensuite raffiner en la mélangeant au pétrole pour augmenter la part de biocarburant dans le kérosène. En effet, la culture de ces plantes oléagineuses ne doit pas concurrencer celles du secteur alimentaire ni exiger beaucoup de ressources (eau, intrants, etc).

C’est pourquoi, jusqu’à présent, ce sont les huiles usagées qui sont le plus exploitées pour la production de CAD en France. Mais cela pourrait bien changer grâce à la culture d’une plante en tests avec des agriculteurs depuis 2020 : la cameline.

Verdir le carburant du secteur aérien grâce à la cameline

Cette plante oléagineuse, cultivée depuis des millénaires notamment pour la fabrication du savon, semble en effet cocher toutes les cases pour augmenter de façon massive la production de biocarburants.

En effet, la plante est riche en huile et en protéines et permet une extraction jusqu’à 36% dhuile à partir des graines produites. Quant aux résidus de graines après extraction de lhuile, appelés tourteaux, ils serviront pour lalimentation animale.

Sa culture intermédiaire est rapide puisquelle pousse pendant une durée de 90 à 100 jours et peut être cultivée entre deux cultures principales destinées à lalimentation. Ainsi, elle peut être réalisée entre lorge et les pois, récoltés au début de l’été, et avant les semis de blé de lautomne.

La cameline est facile à cultiver, puisquelle supporte des températures élevées et est peu consommatrice de ressources (eau, intrants, etc). Elle présente également des bénéfices environnementaux grâce sa couverture végétale entre deux cultures principales, qui évite que les sols ne restent nus. Cette couverture végétale permet entre autres de stocker du carbone dans ce laps de temps, de limiter l’érosion des sols et ainsi daméliorer les conditions dimplantations des cultures suivantes.

Pour être utilisée dans le secteur aérien, lhuile extraite de la cameline est filtrée et hydrotraitée” en raffinerie, avant d’être mélangée avec le kérosène pour créer un biocarburant vert. De cette manière, elle pourrait réduire de 80% les émissions de CO2 rejetées par les moteurs : le CO2 rejeté lors de la combustion du biocarburant étant quasiment égal au CO2 capturé par la cameline au cours de sa croissance.

Une expérimentation prometteuse dans l’Eure

La production de cameline à destination du secteur aérien fait actuellement lobjet dune expérimentation dans lEure. Fin août, la DGAC (Direction Générale de lAviation Civile) et le groupe agroalimentaire Avril, pionnier de la production de biocarburants en Europe, levaient en effet le voile sur une expérimentation menée conjointement avec le céréalier Fabrice Moulard sur une parcelle de 3 hectares : celle-ci devrait permettre de récolter trois à quatre tonnes de cameline, pour ensuite servir de test à un carburant daviation durable.

Comme les oléagineux intermédiaires restent encore rares, le groupe Avril effectue également des tests sur une autre plante baptisée la carinata, qui ne nécessite pas de terres additionnelles.

Alors que le transport aérien ne cesse de progresser et devrait même représenter ⅕ des émissions de CO2 d’ici 2050, les acteurs de la filière accélèrent dans la recherche, l’expérimentation et la production de biocarburants dont la cameline pourrait bien être une partie de la réponse.

 

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