Fusion nucléaire : l’assemblage du réacteur du Projet ITER a démarré en France
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C’est probablement le projet le plus ambitieux au monde dans le secteur de l’énergie : le Projet ITER.
Celui-ci a franchit un nouveau cap le 28 juillet dernier, avec le début de l’assemblage du réacteur à fusion de l’hydrogène en France, dans le département des Bouches-du-Rhône.
L’assemblage du réacteur, qui devrait durer jusqu’en 2024, marque un tournant majeur pour le projet, dont l’objectif est de démontrer que la fusion nucléaire peut être une solution viable pour produire, à grande échelle, une électricité propre.
Retour sur cette révolution dans notre article de la semaine.
Un projet qui remonte aux années 80’
Le projet ne date pas d’hier, le concept initial remontant à… 1985 !
A l’époque, Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire général du Parti communiste de l’Union Soviétique, propose à Ronald Reagan, alors Président des USA, de développer la recherche, internationale et pacifique, sur l’énergie de fusion.
Objectif : lancer un programme visant à développer une source d’énergie nouvelle, plus propre et plus durable.
Deux ans plus tard, plusieurs pays s’associent autour d’une installation internationale baptisée pour l’occasion ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). On retrouve alors à la tête de ce projet l’Union Soviétique, les Etats-Unis, le Japon et les pays de l’Union Européenne via Euratom, la Communauté européenne de l’énergie atomique.
D’autres pays les rejoindront par la suite, comme la Chine, la Corée ou encore l’Inde.
Au total, ce sont 35 pays qui se sont associés pour mener à bien le projet.
Malgré des premières études techniques débutant en 1988 et des phases d’études complémentaires les années suivantes, ce n’est qu’en 2001 que la conception définitive sera validée par les membres.
Après une longue négociation, le choix du lieu de l’implantation d’ITER se portera en 2005 sur Cadarache, en France, dans les Bouches-du-Rhône, où le réacteur expérimental de fusion nucléaire sera conçu.
En 2006, l’Accord ITER est signé par l’ensemble des Membres au palais de l’Elysée en présence du Président français de l’époque, Jacques Chirac.
Cet accord a permis la création d’une entité juridique internationale chargée de la construction, de l’exploitation et du démantèlement ultérieur d’ITER, et de définir en détail les aspects financiers, organisationnels et humains d’ITER Organization.
En novembre 2010, la construction débute enfin en France. Le chantier d’ITER est l’un des plus importants d’Europe, avec près de 42 hectares de terrain et la mobilisation de 2 300 ouvriers depuis ses débuts, le tout pour un montant estimé à près de 20 milliards d’euros.
Dix ans plus tard, le coup d’envoi de l’assemblage du réacteur à fusion, point phare de l’organisation, a été donné le 28 juillet dernier par Emmanuel Macron.
Un “puzzle” de plus d’1 million de pièces !
Pour construire cette machine expérimentale destinée à exploiter l’énergie de la fusion et nommée “Tokamak”, les pays ont tous participé.
Les immenses composants du réacteur ont été envoyés en France depuis l’Inde, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Italie.
// À (re)lire : Chine : un « soleil artificiel » pour produire une énergie éco-responsable.
Un véritable défi logistique et d’ingénierie puisque qu’il s’agit de plus d’un million de composants, fabriqués dans les usines des membres d’ITER dans le monde entier, qui ont été acheminés jusqu’en France et qui doivent maintenant être assemblés.
En mai dernier, l’installation de la base du cryostat, un composant en acier de 1250 tonnes avait déjà été réalisée.
L’intérieur du Tokamak s’apparente donc à un véritable gouffre, qui sera rempli par l’ensemble de ces éléments en une machine complexe, dont le poids avoisinera les 23 000 tonnes et une hauteur équivalente à plusieurs étages.
18 bobines seront positionnées autour d’une chambre à vide afin de générer un champ magnétique et ainsi permettre de confiner le plasma d’hydrogène produit par le réacteur expérimental.
Une attention particulière devra être apportée à la précision de l’assemblage des pièces. Certaines pèsent parfois plusieurs centaines de tonnes et devront être positionnées avec une précision de 0,25 millimètre.
“Ce sont les dimensions de la construction navale avec une précision d’horlogerie”, résumait Bernard Bigot, Directeur Général d’ITER Organization en 2015.
À noter que le plus puissants des aimants d’ITER, qui initiera le courant électrique au sein du plasma, est capable à lui seul de soulever… un porte-avions.
L’ensemble des phases d’assemblage ont préalablement été définies et coordonnées par les différents bureaux d’ITER dans le monde.
Concernant l’aspect financier, c’est l’Europe qui assume la plus grande partie du coût de construction de l’installation (45,6%), le reste étant réparti à parts égales entre la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les Etats-Unis (9,1% chacun).
La fin de l’assemblage est prévu pour 2024. Une fois cette partie terminée, une phase d’essais débutera pour vérifier que tous les systèmes fonctionnent correctement.
Une source d’énergie propre et durable
Avec cette idée de “Soleil artificiel”, source d’énergie illimitée, l’enjeu est de reproduire à l’identique la fusion nucléaire du Soleil, le tout au sein d’un réacteur capable de contenir cette fusion, de la capter, pour ensuite redistribuer l’énergie qui s’en dégage.
La fusion de l’hydrogène pourrait être une alternative idéale aux énergies fossiles comme le gaz, le pétrole ou même le charbon, qui émettent chaque année des tonnes de CO2.
Elle pourrait également remplacer l’énergie de nos centrales nucléaires actuelles, qui utilisent la fission nucléaire et rejettent donc des déchets radioactifs pendant des dizaines milliers d’années.
La fusion de l’hydrogène, elle, ne génère pas de déchets de longue vie et les combustibles nécessaires à cette fusion (extrait de l’eau et du lithium) sont disponibles en grande quantité.
Encore un long chemin…
Concrètement, pour reproduire la réaction de fusion de l’hydrogène qui se produit naturellement au coeur du soleil, il faudra porter à une température de 150 millions de degrés deux isotopes de l’hydrogène, transformés à l’état de plasma.
Cette réaction aboutira à un noyau d’hélium et un neutron qui disposera d’une grande énergie. Il faudra ensuite transformer cette énergie en chaleur afin de produire de l’électricité. La chaleur sera évacuée par un circuit d’eau sous pression permettant d’alimenter une turbine et un alternateur.
Le premier plasma généré par le réacteur devrait ainsi être produit à l’horizon 2025-2026, et atteindre sa pleine puissance d’ici 2035 selon l’organisation.
Les scientifiques travailleront à l’optimisation des paramètres de l’expérience et à l’observation du fonctionnement du plasma d’hydrogène jusqu’en 2040.
Mais le projet ITER n’est qu’un réacteur expérimental et donc ne produira pas réellement d’électricité à terme. Il servira principalement de test, afin de prouver que la fusion nucléaire peut être une solution d’avenir pour le secteur de l’énergie.
Il faudra donc attendre au minimum 2060 pour parvenir à raccorder au réseau électrique des réacteurs à fusion qui seront dérivés d’ITER et qui serviront donc à alimenter en électricité des millions de foyers.
Si ce projet de “soleil artificiel” fait rêver, il divise quant à sa viabilité.
En effet, de nombreuses organisations écologistes, notamment Greenpeace, voient ce projet comme un réel “gouffre financier” et “un mirage scientifique”, après cinq de retard sur la construction et une facture globale dont le coût initial a déjà triplé.
S’il réussit, le projet ITER pourrait proposer une vraie solution alternative pour produire de l’électricité propre à grande échelle.
Une idée qui inspire de nombreuses start-up, qui suivent de près les avancées du projets et espèrent à leur tour lancer leurs propres prototypes.
La Fusion Industry Association, constituée de 21 start-up, a d’ailleurs récemment réussi à lever près de 1,5 milliard d’euros.
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