USA : une étude de faisabilité pour stocker le CO2 des cimenteries dans… des puits de pétrole

 

Principal composant du béton, « roi » de la construction, le ciment est devenu en 200 ans le matériau manufacturé le plus consommé au monde.

Chaque année, près de 4,6 milliards de tonnes de ciment sont produits à l’échelle mondiale (dont 18 millions en France) !

A l’heure ou le climat nécessite des actions urgentes, la fabrication ultra-polluante du béton est de plus en plus pointée du doigt. Cela oblige les cimentiers historiques à trouver des solutions pour alléger leur empreinte carbone.

Bien que certaines alternatives à ce matériau émergent peu à peu, comme le « ciment écologique » de la start-up française HGCT, le ciment classique dit « Portland » reste pour l’heure indétrônable.

C’est dans ce contexte que Total ; Svante Inc (spécialiste de lacaptation de Carbone) ; le cimentier LafargeHolcim et Oxy Low Carbon (filiale d’Occidental Petroleum), ont ensemble fait une annonce  le 6 janvier dernier. Ils ont, à cette occasion, fait part de leur intention de mener conjointement une étude pour pallier au problème écologique que représente le ciment.

Cette étude visera à évaluer la faisabilité de la captation du COdans une cimenterie Holcim Portland à Florence (Colorado, États-Unis), dans la finalité d’assurer le stockage du COdans des puits de pétrole.

On vous explique tout dans notre article de la semaine.

 

Une technologie clé dans la décarbonation progressive des industries

 

Aujourd’hui, l’industrie du ciment est la seconde plus grande émettrice de CO2  au monde, derrière le secteur énergétique.

Malgré le fort développement d’énergies décarbonatées, les ressources fossiles restent pour l’heure les premières utilisées dans le mix énergétique mondial. De ce fait, la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne cesse d’augmenter.

Réduire les émissions de COpour préserver l’environnement et lutter contre le réchauffement climatique devient une priorité pour les gouvernements. Conduits à revoir à la baisse leurs émissions de CO2, ils mettent en place des intiatives en ce sens. L’Accord de Paris pour le climat l’illustre parfaitement.

Cependant, ce combat est encore loin d’être gagné. Selon le programme des Nations Unis pour l’Environnement (UNEP), il faudra réduire de 7,6% par an nos émissions de COpour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris.

C’est là qu’entrent en jeu les solutions de captage et de stockage de CO2, apportant leurs réponses aux questions environnementales.

En effet, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) estime que cette méthode représente une réelle solution au besoin de réduction des émissions à effet de serre, parlant d’une « technologie clé » dans la décarbonation des économies.

 

À (re)lire : « Ciment écologique » : un avenir vert pour le BTP ?

 

 

Évaluer le coût d’un tel dispositif de CCUS à l’échelle industrielle

 

Cette initiative rendue publique le 6 janvier dernier 2020, fait suite au projet « CO2MENT ». Lancé récemment par les trois premiers partenaires de cette étude (Total, Svante Inc et LafargeHolcim), il consiste à capturer et directement réinsérer le COdans le ciment produit. L’opération est assurée par une cimenterie Lafarge Richmond au Canada.

Ce projet s’inscrit dans un dispositif de CCUS (Captage, stockage et utilisation du CO2). Il a déjà permis aux sociétés de réaliser de réels progrès pour réduire leur empreinte carbone.

A travers la réalisation d’une étude, les partenaires ont pour but d’évaluer le coût total de la mise en place du CCUS à l’échelle industrielle.

Leur système serait conçu pour capter annuellement jusqu’à 750 000 tonnes de dioxyde de carbone, directement issus dela cimenterie LafargeHolcim.

«Etre à la pointe de la transition bas carbone nécessite des partenariats et un effort constant en matière d’innovation», déclare Jan Jenisch, directeur général de LafargeHolcim.

 « LafargeHolcim a investi massivement dans le développement de solutions bas carbone. Nous espérons que notre collaboration avec Svante, OLCV et Total permettra de mener à bien un projet de captage de COsur le territoire américain dans un avenir proche. »

 

 

Stocker définitivement le COémis par les installations industrielles les plus polluantes !

 

Avec cette technique, le dioxyde de carbone est capturé et stocké dans le sous-sol terrestre pour une durée définitive. Cela évite donc son rejet dans l’atmosphère. Par la même occasion, le bilan carbone de la cimenterie du groupe LafargeHolcim (Colorado) est drastiquement réduit.

Les systèmes de Captage et de Stockage du COtouchent particulièrement les installations industrielles les plus polluantes : raffineries pétrolières, cimenteries, usines sidérurgiques ou pétrochimiques ou encore centrales thermiques au charbon, au fioul ou au gaz, manufactures de produits chimiques,…

Concrètement, le COémis par ces CCUS est isolé avant d’être capturé grâce à l’une des trois méthodes suivantes :

  • La précombustion : conversion du combustible fossile en gaz de synthèse et récupération du COavant sa combustion.
  • L’oxycombustion : qui s’accomplitgrâce à la présence d’oxygène à la place de l’air dont résultent des fumées plus concentrées en CO2.
  • La postcombustion : où le COest capturé dans les fumées qui s’émanent directement de l’usine grâce à différents solvants.

Une fois capturé, ce COest transporté via des pipelines, des canalisations, des bateaux… Il peut alors être stocké dans le sous-sol terrestre à l’aide de différentes méthodes.

Voici quelques exemples de ces méthodes de stockage : l’injection dans les cavités géologiques (aquifères salins profonds, gisements d’hydrocarbures vides, veines de charbon), la séquestration minérale (qui transforme le COen carbonates) ou l’injection dans les fonds océaniques.

Afin de préserver les écosystèmes et la biodiversité, c’est l’injection dans les cavités géologiques qui reste la plus répandue.

 

 

 

L’injection de CO2 dans des puits de pétrole matures pour augmenter leur rendement

 

Dans le cadre de ce projet, l’injection du COfaite directement dans des puits de pétrole permet d’en améliorer le rendement.

La compagnie pétrolière Oxy Low Carbon, très engagée dans la production de pétrole bas carbone, privilégie en effet l’injection du gaz au fond de différents gisements matures. Par ce process, la pression est augmentée en interne, entraînant la même augmentation de la production de pétrole tout en stockant le COde manière définitive.

Le projet à l’étude se fixera sur une technologie de Svante pour capter le COdirectement sur le site concerné.

Grâce à cet extrait « à la source », la captation du COse fera « à un coût en capital inférieur de moitié par rapport aux solutions existant déjà sur le marché », selon les partenaires.

Le stockage sera ensuite assuré par Occidental, leader du marché en matière de gestion et de stockage du CO2. « Grâce au coût réduit de la technologie de Svante et aux politiques volontaristes de crédits d’impôt – à l’instar du crédit d’impôt 45Q aux États-Unis – le captage de CO2  peut être rentable dans le cadre de certaines applications industrielles à grande échelle comme la cimenterie », affirme le PDG de Svante, Claude Letourneau.

« La mission d’OLCV consiste à promouvoir les solutions bas carbone qui permettront de soutenir la croissance d’Occidental tout en réduisant les émissions. Notre participation à cette étude est cohérente avec nos objectifs concernant la recherche d’une solution économiquement viable vers une application à grande échelle des technologies de capture du carbone pour réduire les émissions» explique Richard Jackson, le Président d’OLCV.

 

 

Total poursuit sa « stratégie climat »

 

Ce n’est pas la première fois que Total s’intéresse au stockage de CO2. Le groupe l’a déjà intégré à sa stratégie climat, comptant déjà quelques projets à son actif.

« Total consacre 10 % de son budget R&D annuel pour faire progresser significativement la technologie CCUS (captage, stockage et utilisation du CO2), une technologie indispensable pour réduire les émissions de CO2 à l’échelle mondiale. Notre investissement dans cette étude conjointe est pleinement en phase avec notre stratégie. Les résultats de cette étude nous aideront à poursuivre notre engagement dans le développement commercial du CCUS» a déclaré Marie-Noëlle Semeria, directrice R&D du Groupe Total.

Le groupe Total a déjà réussi avec succès le stockage de dioxyde de carbone dans les sous-sols de son ancien site gazier basé à Lacq (Pyrénées Atlantiques).Total a aussi participé à deux projets norvégiens consacrés pour l’un au stockage sous-marin, en mer du Nord, de gaz à effet de serre et pour l’autre à un projet industriel de captage de COd’un incinérateur d’Oslo et d’une cimenterie proche de la capitale.
Ce COcapté à Oslo sera ensuite acheminé au stockage sous-marin développé par la compagnie pétrolière Equinor, qui a le jour-même annoncé ses objectifs. Elle tend en effet vers le zéro-émission d’ici 2050, lors de ces phases de production de pétrole et de gaz naturel dans le pays.

 

 

Le paradoxe environnemental de ce projet…

 

Si ce projet est réellement bénéfique d’un côté, puisqu’il diminue considérablement le volume de COrejeté chaque année dans l’atmosphère, la finalité du stockage met quant à elle en exergue quelques incohérences.

En effet, la réduction des émissions de COentraînera irrémédiablement une hausse du volume de production du pétrole, matériau encore plus polluant…

 

 

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