Une nouvelle stratégie énergétique pour les armées françaises

 

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Le 3 juillet dernier, Florence Parly, Ministre de la Défense depuis 2017, était attendue à la base pétrolière de Chalon-sur-Saône afin de présenter la nouvelle stratégie énergétique de la Défense.

Objectif principal de ce rendez-vous : concilier au mieux les objectifs énergétiques et environnementaux avec les contraintes des opérations militaires. 

De nombreuses annonces étaient attendues, notamment quant à la maîtrise de la consommation d’énergie des armées.

Retour sur ces annonces dans notre article de la semaine.

 

 

Les armées françaises en route vers la transition énergétique !

 Les enjeux environnementaux touchent tous les secteurs et les armées ne font pas exception. D’autant plus qu’il s’agit là du plus gros consommateur de carburant de l’Etat. 

En effet la facture énergétique des armées s’élève à 840 millions d’euros par an, dont 640 millions uniquement pour le pétrole. Le ministère des armées représente d’ailleurs à lui seul 0,3% de la consommation d’énergie annuelle nationale.

Dans le détail, les 3/4 de la consommation énergétique de la Défense sont utilisés pour la mobilité des avions, de bateaux et des véhicules militaires.
Le dernier quart étant quant à lui utilisé pour le fonctionnement et le chauffage des établissements militaires. 

Un enjeu majeur donc, que Florence Parly a présenté sous trois points primordiaux : “consommer sûr, consommer moins, consommer mieux.”.

En septembre 2019, la Ministre avait chargé un groupe de travail d’élaborer une stratégie énergétique pour la Défense.
Les conclusions de ce travail ont été présentées le 3 juillet sur la base pétrolière de Chalon-sur-Saône, au “Service des essences des Armées”, désormais rebaptisée “Service de l’énergie opérationnelle”.

Cette nouvelle stratégie, plus verte, s’axera sur différents points important liés à la transition énergétique, comme : 

  • la réduction de la dépendance des approvisionnements de pétrole
  • une utilisation plus vertueuse du numérique
  • des véhicules hybrides
  • des choix d’armements plus réfléchie sur le long terme,… 

Cette stratégie passera également par la sensibilisation des combattants recrutés :
“Chacune des 25 000 personnes qui entrent au ministère des Armées chaque année aura désormais une sensibilisation à la culture de la sobriété bas carbone”, pour une meilleure “prise de conscience de ce que représente l’énergie dans les opérations”, affirme le ministère.
Le tout sans impacter pour autant la sécurité des soldats qui reste l’enjeu prioritaire.

 

 

 

Augmentation des stocks de carburant unique

 

Pour assurer la force des infrastructures, l’armée privilégie une politique de carburant unique visant à alimenter l’ensemble des équipements, véhicules terrestres et groupes électrogènes avec du carburéacteur à usage aérien.
Les stocks stratégiques de produits pétroliers, s’élevant à 800 000m3 actuellement pour une durée de cinq mois vont être augmentés de 60 000m3 afin de couvrir les besoins croissants.
Florence Parle souligne que “la consommation énergétique mondiale augmente” et que “le besoin du ministère va aller croissant”, de l’ordre de 30% d’augmentation.

La coopération avec les autres pays membres de l’OTAN pour alimenter en carburant les armées sera conservée et une coopération structurée permanente sera lancée au sein de l’Union Européenne axée sur la” fonction énergie opérationnelle”.
Rappelons qu’un pipeline de l’OTAN se termine au sein de la base de Chalon-sur-Saône et permet de garantir un approvisionnement sécurisé en carburant, le tout grâce à un transport cinq fois moins polluant que par la route.

La France compte également proposer la constitution d’une centrale européenne d’achat de produits pétroliers, au profit des forces armées.

 

 

 

Le biojet de plus en plus utilisé

 

Concernant l’aérien, le ministère souhaite utiliser du biojet, c’est-à-dire du kérosène “auquel on ajoute une part de colza, de canne à sucre ou de résidus végétaux”.
Démonstration lors du défilé du 14 juillet, avec 2/3 des avions qui volaient au-dessus de la capitale grâce à ce carburant plus vert.

 

Cependant, d’une génération d’équipement à l’autre, les besoins en énergie changent et surtout ont tendance à augmenter.
Par exemple, le successeur du Rafale, le NGF (Next Generation Fighter) sera plus lourd (30 tonnes contre 24) et « devrait aussi consommer 30% de plus de carburant », indique une source au ministère des armées.
Quant aux aéronefs électriques ils ne seront pas encore disponibles à grande échelle avant plusieurs décennies. 

Pour le ministère il s’agit donc là pour le moment de remplacer une grande partie des hydrocarbures utilisés par des solutions plus vertes.

 

 

Des véhicules blindés hybrides

 

Pour l’armée de Terre, le ministère compte déployer des versions hybrides électriques de certains blindés.
D’ici 2025, un démonstrateur de Griffon hybride sera actif et permettra de décider combien de nouveaux blindés légers en seront équipés.
Pour les véhicules dédiés au renseignement par exemple, ce type de véhicule est très intéressant. En effet, au-delà de l’avantage de réduire la consommation d’hydrocarbures, le coté “furtif” du véhicule représente un réel atout.

“Si vous voulez mener une intervention de nuit au Sahel contre des groupes armés terroristes, vous avez un intérêt objectif à transiter avec le moteur diesel jusqu’à 5 kilomètres du camp, puis à passer dans les 5 derniers kilomètres sur le mode batterie pour avoir une approche furtive”, précise-t-on au cabinet. “L’objectif est de faire de la transition énergétique un atout pour nos opérations”.

 

 

 

Des « Eco Camps » alimentés par des énergies renouvelables

 

En parallèle, le ministère souhaite promouvoir le recours aux énergies renouvelables. Pour ce faire, un modèle d’”éco-camp” baptisé “Place au soleil” sera expérimenté jusqu’en 2022.
Ce dispositif sera généralisé ensuite en opérations extérieures entre 2023 et 2025. Objectif : rendre ces camps “plus frugaux et autonomes” en eau et énergie, notamment en développant de nouveaux équipements hybrides et photovoltaïques.
Des centrales photovoltaïques seront ainsi déployées sur plus de 2 000 hectares de terrains militaires.

Les centres de données numériques seront quant à eux optimisés et la chaleur produite par les équipements technologiques sera récupérée pour diverses utilisations. Les contrats d’hébergement de données avec le secteur privé incluront désormais un volet écologique.

 

 

L’efficacité énergétique désormais inclue dans les appels d’offres

 

Que ce soit pour les véhicules ou pour les sytèmes d’armement, le ministère assure que le facteur énergétique sera désormais “un élément déterminant des appels d’offres”. 

Côté infrastructures, le ministère compte déployer “Data énergie 360”, un logiciel mesurant précisément la consommation d’énergie dans ses bases situées en France et souhaite passer des contrats de gestion avec des acteurs privés.
Ces derniers seront en charge de réaliser des investissements afin de réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre.

 

Même si la Défense travaille sur sa transition énergétique depuis déjà plusieurs années, ces nouvelles directives marquent incontestablement un tournant dans un secteur encore bien trop énergivore pour le pays et pour l’environnement. 

Pour le moment, les économies qui pourront être réalisées à terme grâce à l’ensemble de ces solutions énergétiques mises en place est encore difficile à déterminer. Mais le ministère insiste sur le fait que “Ce que l’on vise, c’est l’efficience, sans transiger sur la sécurité opérationnelle”.

 

 

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Photo de couverture : Pixabay / ReA86