Une cellule électrochimique pour extraire le lithium de l’eau de mer !

 

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Qui dit batterie lithium-ion dit forcément : lithium !
Composante indispensable de la quasi-totalité des modes de transport de demain, plus respectueux de l’environnement, la production de batteries électriques dépend indubitablement de l’approvisionnement en lithium de toute la filière.

Alors que le marché de la voiture électrique est en plein essor, le risque de pénurie de lithium inquiète déjà de nombreux experts.
Et pour cause, s’il est disponible en grande quantité sur Terre, la filière de son extraction est quant à elle encore trop peu développée pour répondre à la demande de demain.

Pour pallier à ce problème, des scientifiques du KAUST, l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah en Arabie Saoudite, ont mis au point une cellule électrochimique capable d’extraire le lithium de l’eau de mer, où il est présent en très grande quantité.

On vous explique tout dans notre article de la semaine.

 

 

5000 fois plus de lithium dans les océans que sur la terre ferme !

On sait que l’océan regorge de ressources en tout genre. C’est également le cas pour le lithium.
D’après les estimations des scientifiques, il y aurait 5000 fois plus de lithium dans les océans que dans les sols.
Une quantité suffisante pour répondre à l’explosion de la demande de ce métal alcalin servant à la production des batteries électriques.
S’il y est présent en très grande quantité, son extraction de l’eau de mer est compliquée en raison de sa très faible concentration, de l’ordre de 0,2 ppm (partie par million), soit 0,0002 gramme / litre…
Si bien que les techniques testées jusqu’à présent étaient trop peu efficaces et surtout très chères.

Heureusement, une équipe de chercheurs du KAUST (King Abdullah University of Science and Technology) en Arabie-Saoudite, a affirmé avoir trouvé une solution efficace et peu onéreuse, détaillée dans un communiqué publié début juin.

 

 

Une solution efficace et peu onéreuse

Concrètement, l’équipe a développé une cellule électrochimique contenant une membrane LLTO, élaborée avec un oxyde lithium-lanthane-titane. Une utilisation inédite de ce type de membrane !

La cellule contient trois compartiments. L’eau de mer s’écoule dans une chambre d’alimentation centrale, où les ions lithium positifs traversent la membrane LLTO dans un compartiment latéral qui contient une solution tampon et une cathode en cuivre recouverte de platine et de ruthénium.
Pendant ce temps, les ions négatifs sortent de la chambre d’alimentation à travers une membrane échangeuse d’anions standard, passant dans un troisième compartiment contenant une solution de chlorure de sodium et une anode en platine-ruthénium.

Les trous de la membrane sont donc suffisamment étroits pour filtrer les ions de sodium, magnésium ou potassium, très concentrés dans l’eau de mer, mais suffisamment larges pour laisser passer les ions de lithium.

Ce système a déjà été testé par l’équipe de chercheurs avec de l’eau provenant de la Mer Rouge, bordant la frontière ouest du pays.
À un voltage de 3,35V, la cellule électrochimique génère de l’hydrogène gazeux au niveau de la cathode, et du chlore gazeux au niveau de l’anode. Cela entraîne le passage du lithium à travers la membrane LLTO vers une chambre latérale où il s’accumule”, précisent-ils dans le communiqué.

Ensuite, les scientifiques ont effectué quatre cycles supplémentaires, pour atteindre une concentration suffisante en lithium (autour de 9000 ppm) et ont ajusté le pH pour une pureté suffisante afin de répondre aux exigences fixées par les fabricants de batterie ou par les constructeurs automobiles.
D’après l’équipe du projet, cinq dollars d’électricité suffisent pour extraire 1 kg de lithium dans l’eau de mer, d’autant plus que la valeur de l’hydrogène et du chlore produits par la pile ferait plus que compenser ce coût et que l’eau de mer résiduelle pourrait également être utilisée dans les usines de dessalement pour fournir de l’eau douce.

“Nous continuerons d’optimiser la structure de la membrane et la conception des cellules pour améliorer l’efficacité du processus”, a déclaré le chef du groupe Zhiping Lai. Son équipe espère également collaborer avec l’industrie du verre pour produire la membrane LLTO à grande échelle et à un coût abordable.

Un coût suffisamment faible pour proposer une alternative viable aux différents acteurs du marché.

 

Des pénuries de lithium dès 2027 ?

 

Avec la montée en puissance du marché des véhicules électriques, la demande en lithium devrait être multipliée par 42 d’ici 2040, selon l’IEA (l’Agence Internationale de l’Énergie).

Bien qu’il soit présent en grande quantité dans le sol terrestre, la filière d’extraction reste trop sous-développée pour répondre à cette hausse significative de la demande.
Pour l’heure, la majeure partie du lithium à l’échelle mondiale est extraite des immenses déserts de sel d’Amérique du Sud, les “Salars”, répartis principalement entre le Chili, l’Argentine et la Bolivie, et surnommé le fameux “triangle du lithium”.

Mais même si les projets d’extraction se multiplient depuis 2015 et que les processus de production ont été optimisés, la création de nouvelles infrastructures prendrait beaucoup trop de temps pour suivre la demande.
 
Si des solutions viables et plus rapides ne se mettent pas en place rapidement, de nombreux pays risquent de voir leur marché de l’électrique ralentir subitement et avec lui leur plan de transition énergétique et écologique…

Rystad Energy, le plus grand cabinet de conseil indépendant en énergie de Norvège, table ainsi sur un “sérieux déficit d’approvisionnement en lithium” en 2027 et sur 20 millions de voitures électriques livrées en moins d’ici 2030 sans nouvelles filières d’approvisionnement.

 

Face à l’urgence climatique, l’électrification des usages, et notamment des transports, est en pleine expansion.
Mais c’est toute une filière
qui est désormais dépendante de l’extraction du lithium pour tenir les engagements internationaux sur le climat.

À l’image de la cellule électrochimique développée par les scientifiques du KAUST, il s’avère de plus en plus nécessaire de trouver des solutions viables et rapides pour extraire le lithium des océans. 

 

 

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Image de couverture : photo d’illustration.