“The Line” : un projet de grande ville zéro carbone en Arabie saoudite
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Début 2021, le prince Mohammed Ben Salmane a annoncé son désir de construire une ville futuriste ET écologique.
Une décision qui peut paraître un peu paradoxale, quand on sait que l’Arabie Saoudite est l’un des pays les plus polluants et les plus pollués.
Le projet baptisé “The Line”, devrait s’étirer sur 170 kilomètres au Nord-Ouest du pays et pourrait, à terme, accueillir jusqu’à un million d’habitants dans un ensemble urbain neutre en carbone et à la pointe de technologie.
On vous en dit plus dans notre article de la semaine.
Une ambition écologique et économique
C’est dans une vidéo promotionnelle publiée le 10 janvier dernier que le prince héritier d’Arabie Saoudite présentait son projet de ville futuriste.
Baptisée “The Line”, cette ville sera sans émission de carbone, sans route, et presque sans ville puisqu’il s’agira, à proprement parler, d’une longue ligne de 170 km.
La ville disposera de services comme des écoles ou des centres de santé, mais aussi des espaces verts.
Dans le but d’éradiquer la pollution de la ville, les voitures ne feront donc pas partie du paysage.
La ville a été conçue de manière à ce que, dans chacun des quartiers, les habitants puissent réaliser un maximum de choses à pied dans un délai de 5 min, notamment pour ce qui concerne les commerces essentiels.
Les bâtiments seront quant à eux neutres en carbone et alimentés par une énergie propre.
Objectif : accueillir un million d’habitants d’ici la fin de sa construction à l’horizon 2030.
“The Line” sera réalisé dans la région de Neom, une entité récemment créée par l’Arabie saoudite et actuellement en cours de développement, située au Nord-Ouest du pays.
Ce projet plus vaste de zone économique et touristique baptisé “Neom” fait partie des nombreux mégaprojets en cours qui permettront de diversifier l’économie du pays, encore très dépendante de l’exportation du pétrole.
Le projet “Neom” est estimé à 500 milliards de dollars et sera financé par le souverain saoudien, selon Al Arabiya.
Plus globalement, ces deux projets, “The Line” et “Neom” font partis du programme “Vision 2030”, qui a pour but de transformer l’Arabie saoudite d’ici une dizaine d’années, notamment en mulitpliant par trois sa production d’énergie renouvelable d’ici deux ans, grâce au solaire par exemple.
Des transports à grande vitesse
Bien que la ville soit prévue pour réaliser un maximum de choses à pied, le projet prévoit tout de même des transports qui permettront de se déplacer dans la giga-ville de 170 km de long.
“The Line” sera en effet constituée de plusieurs “modules”, inter-connectés grâce à un réseau de transport intégré.
Ainsi, des trains et des métros situés en sous-sol seront disponibles et permettront de relier la ville d’un bout à l’autre, soit de parcourir les 170 kilomètres en 20 minutes seulement.
Ces trains rapides, dans l’esprit de l’Hyperloop, iront à une vitesse de 500 km/h et seront, selon le prince, sûrs et alimentés par de l’énergie propre à 100%.
Le projet prévoit également la construction d’un aéroport international, qui ambitonne de devenir par la suite l’un des plus importants au monde.
L’Intelligence Artificielle au coeur de “The Line”
Qui dit ville du futur dit également utilisation des dernières technologies. Le projet prévoit donc une utilisation massive de l’Intelligence Artificielle (IA) au sein de la ville.
Dans un communiqué, les développeurs du projet ont précisé que les communautés seront “cognitives” et alimentées par de l’IA, qui “apprendra continuellement des moyens prédictifs pour faciliter la vie.”
Ils ajoutent également que 90% des données disponibles seront utilisées pour améliorer les capacités des infrastructures, contre environ 1% seulement aujourd’hui dans les villes intelligentes.
Les services publics jugés obsolètes seront remplacés par de l’IA.
“Nous devons transformer les villes en villes du futur”, a déclaré le prince héritier lors de la présentation du projet, en passant par une “révolution civilisationnelle”.
Déjà en 2017, la présentation du projet “Neom” prévoyait une Lune artificielle, des plages phosphorescentes et des leçons données par des enseignants en hologramme.
La construction du projet doit commencer au premier trimestre 2021 et devrait permettre la création de 380 000 emplois, avec une contribution au PIB du pays estimée à 180 milliards de riyals (plus de 39 milliards d’euros), d’ici 2030, selon le communiqué de Neom.
Un projet qui ne fait pas l’unanimité…
Malgré les intentions louables du projet, beaucoup émettent des doutes sur la neutralité carbone d’une ville avec des transports révolutionnaires, un immense aéroport et une IA omniprésente.
Certains estiment par exemple que l’Arabie saoudite devrait d’abord se concentrer sur sa propre empreinte écologique, plutôt que de construire une nouvelle ville respectueuse de l’environnement.
Selon l’OMS, le pays est l’un des plus polluants et plus pollués en termes de particules fines.
Rappelons en effet que l’Arabie saoudite est le second producteur de pétrole au monde, derrière les Etats-Unis.
Mais avec la chute ces dernières années du cours du pétrole, puis l’arrivée de la pandémie mondiale du Covid-19, le pays a connu une baisse spectaculaire de sa production pétrolière.
Une forte problématique pour le pays, la production d’or noir étant l’un des pilliers économiques du pays, totalisant à elle seule 42% du PIB national.
Un effondrement de cette ressource économique, qui pousse le pays à multiplier les projets pour diversifier son économie, notamment en misant sur des solutions plus écologiques.
Malgré ces derniers, le pays reste marqué par ses choix environnementaux des dernières années, notamment ses contestations et ses absences remarquées aux réunions de l’Accord de Paris sur le climat.
Autre ombre noir qui figure au tableau de ce projet, l’emplacement sur lequel “The Line” doit être construite est actuellement habité par des Howeitat, une tribu qui vit sur le territoire, et qui devra donc être expulsée pour la réalisation du projet.
“The Line”, et plus globalement “Neom”, sont des projets ambitieux qui devraient mettre plusieurs années à voir le jour, et nécessiter également de nombreux efforts pour devenir une ville à 100% écologique.
Inscrits dans la volonté de l’Arabie saoudite de diversifier ses sources de revenu et de “verdire” son économie, espérons qu’ils atteindront réellement leurs objectifs environnementaux pour, peut-être, inspirer d’autres projets similaires.