« Excell » : le plan d’EDF pour redorer le blason du nucléaire français
L’énergéticien subit actuellement de plein fouet les ratés de la construction de l’EPR de Flamanville, notamment pointés du doigt par le rapport de Jean-Martin Folz remis le 28 octobre dernier.
Et pour cause, le premier réacteur français de troisième génération, dont le chantier, lancé en 2006, devait durer quatre ans avec une mise en service en 2012, est désormais programmé pour 2022, soit dix ans plus tard !
La facture, elle, est passée de « seulement » 3,3 milliards à 12,4 milliards d’euros.
Un « manque de rigueur inacceptable » pour Bruno Le Maire – actuel ministre de l’Economie – qui avait sommé EDF de présenter (très) rapidement un plan d’actions pour redresser la filière nucléaire française.
Promesse tenue par Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, qui a dévoilé vendredi dernier, 13 décembre 2019, le plan « Excell » visant à redorer le blason du nucléaire français et replacer la filière aux plus hauts niveaux « de rigueur, de qualité et d’excellence ».
On vous donne les détails dans notre article de la semaine.
Un plan à 100 millions d’euros sur deux ans
Ce plan de sauvetage du nucléaire français, baptisé « Excell », sera amorcé dès l’an prochain et bénéficiera d’un budget de 100 millions d’euros pour la période 2020-2021.
Lors de la présentation, Jean-Bernard Levy a expliqué que ce rapport devait « permettre de créer les conditions d’un regain de confiance dans la filièrenucléaire française et de répondre aux difficultés décrites dans le rapport de Jean-Martin Folz ».
Outre le fait de répondre aux exigences du gouvernement (et d’assurer à ce dernier que les erreurs entourant la construction et la mise en service de l’EPR de Flamanville dans la Manche ne se reproduiraient pas, si la construction de nouveaux réacteurs en France devait être décidée à l’avenir), ce plan vise aussi à redonner confiance à l’ensemble des acteurs de la filière nucléaire : les clients (locaux et internationaux), les fournisseurs ou encore l’ASN, l’Autorité de Sûreté du Nucléaire française.
« Notre objectif est de permettre au nucléaire, énergie neutre en carbone, de continuer de jouer pleinement son rôle dans la lutte contre le changement climatique. » a poursuivi le PDG d’EDF.
Un plan de sauvetage en trois volets
Concrètement, le plan « Excell » présenté par EDF est composé de trois grands volets.
Révision en profondeur de la relation client-fournisseur
Le premier volet se concentrera sur “le renforcement de la qualité industrielle” avec “une révision en profondeur de la relation client-fournisseur“.
« Les relations contractuelles entre EDF client et ses fournisseurs ne sont pas satisfaisantes », a expliqué Jean-Bernard Levy, estimant que« les intérêts ne sont pas suffisamment alignés ».
Afin d’équilibrer le partage des risques et des contrats en lien avec les procédés industriels à proprement parler, l’entreprise a indiqué travailler depuis 18 mois à larévision des contrats « de manière à les mettre en phase avec les meilleurs standards de l’industrie. Un fournisseur ne pourra plus être exposé à des pénalités avec un risque supérieur à la valeur nominale du contrat ».
Afin de mieux sélectionner ses fournisseurs, qui seront à l’avenir « mieux associés à l’élaboration des spécifications et à l’analyse de la constructibilité », l’énergéticien va mettre en place « un nouveau schéma de qualification », plus exigeant, pour les projets de construction de futurs réacteurs atomiques et qui pourra d’ailleurs être étendu « aux entreprises sous-traitantes de rang 2 et au-delà ».
Pour résoudre les problèmes de qualité de production des pièces, notamment rencontrés par Framatome (filiale d’EDF depuis 2018) sur le réacteur de Flamanville, EDF souhaite renforcer l’utilisation de nouveaux outils de traçabilité inviolables,que ce soit des outils numériques, mais également d’ingénierie collaborative et de jumeaux numériques (maquettes numériques), comme c’est déjà le cas dans la filière aéronautique depuis près de 20 ans.
Ce premier volet concentrera la moitié des 100 millions d’euros attribué au plan « Excell ».
Préserver les savoir-faire et renforcer les compétences
Le second volet du plan d’EDF portera sur le « renforcement des compétences » au sein de la filière.
Pour commencer, EDF va renforcer « les démarches engagées » en lien avec le Groupement des Industriels Français de l’Énergie Nucléaire (GIFEN), avec notamment la création d’une « Université des métiers du nucléaire ».
Le plan prévoit en outre la généralisation des outils de partage de compétences chez EDF comme chez ses partenaires avec la mise en place imminente d’un « outil de gestion des savoirs » pour centraliser et diffuser les connaissances relatives au domaine nucléaire dans les centres d’ingénierie du groupe.
Objectif : sauvegarder précieusement le savoir-faire nucléaire français mais également des « métiers de la fabrication, de la construction et de l’exploitation ».
Un élément essentiel pour la filière du nucléaire, étant donné que « rien que pour EDF, le besoin en recrutement est de 5 000 personnes pour les trois années à venir », a rappelé Patrice Risch, directeur de l’emploi d’EDF Groupe.
L’autre moitié de l’enveloppe totale du budget sera allouée à ce second volet.
Améliorer la gouvernance des grands projets nucléaires
Dernier volet du plan « Excell », l’amélioration organisationnelle de la gouvernance des grands projets de la filière.
Pour les futurs grands projets, le PDG d’EDF présidera désormais un comité stratégique chargé de valider en amont « les données initiales du projet, de définir ses objectifs, ses coûts et ses délais, d’en valider les engagements financiers et d’approuver les principaux contrats ».
Le conseil d’administration du groupe devra également être « tenu informé régulièrement de l’avancement de ces grands projets ».
Le plan piloté par un « délégué général à la qualité industrielle et aux compétences »
Afin de s’assurer de la bonne mise en œuvre du plan « Excell », EDF va créer un poste de « délégué général à la qualité industrielle et aux compétences ».
Ce dernier sera chargé de définir les objectifs, de suivre l’exécution du plan et en rapportera directement au PDG du groupe.
Pour ce poste, Jean-Bernard Lévy a indiqué rechercher « un grand industriel du secteur des hautes technologies, comme le spatial ou l’aéronautique ».
Prêt.e à rejoindre la Ruche ?
Cliquez-ici