E.Leclerc se lance dans la fourniture d’électricité aux particuliers
E. Leclerc vient d’annoncer il y a quelques jours son arrivée sur le marché de l’électricité pour particuliers.
Une nouvelle qui en a surpris plus d’un, puisqu’aucune information à ce sujet n’avait encore été abordée par le PDG du groupe.
C’est donc dans une tribune de son blog personnel, que le PDG Michel-Edouard Leclerc a annoncé le 23 juillet dernier que l’entreprise se lançait sur le marché de l’électricité et que “L’offre d’E.Leclerc sera la moins chère du marché ».
Mais qu’en est-il vraiment ? De quelle marge de manœuvre dispose E.Leclerc pour casser les prix de ses concurrents ? Tentative de décryptage dans notre article.
Ce n’est pas le premier pas de E.Leclerc sur le marché de l’énergie
L’entreprise, qui a précisé qu’elle visait « trois millions de clients d’ici à 2025, soit 10 % du marché », n’en n’est pas à sa première tentative de lancement sur le secteur de l’énergie.
En effet, E.Leclerc a d’abord bien négocié son ascension dans la vente de carburant avec l’installation de stations-service à quasiment chaque supermarché. Plus récemment, le groupe s’est tourné vers l’installation de bornes de recharges de véhicules électriques.
Aujourd’hui c’est dans l’électricité pour les particuliers que E.Leclerc veut étendre son domaine d’expertise, permettant également, à terme, de créer près de 200 emplois en France.
Pour le moment, l’offre de lancement ainsi que l’offre de base sont en test auprès de plus de 1500 collaborateurs du groupe dont le président lui-même.
Les conditions et modalités de cette offre devraient être révélées le 27 août, qui serait donc, d’après les informations disponibles, la date du lancement officiel de l’offre d’électricité proposée par E.Leclerc.
Une offre réellement moins chère ?
Avant toute chose, il est impératif de rappeler que chaque offre d’électricité se décompose de la façon suivante :
- 2/3 de la facture représentent les frais d’acheminement et les taxes, qui ne peuvent donc être réduites par le fournisseur.
- 1/3 de la facture correspond aux marges réalisées par le fournisseur lui-même, et pouvant donc être diminuées.
La marge de manœuvre d’E.Leclerc est donc réduite à ce dernier tiers du montant de la facture.
Le président du groupe a d’ailleurs précisé sur son blog :
« Nous sommes en capacité de proposer une offre au meilleur prix, en agissant sur la seule partie du prix laissée à la libre appréciation de chaque fournisseur : les coûts d’approvisionnement et de commercialisation »précise le Président du groupe sur son blog.
Rappelons également qu’en France il est interdit de vendre de l’électricité à perte, ce qui diminue encore un peu la marge de manœuvre d’E.Leclerc et qui pourrait donc amener son offre électrique à un tarif pouvant être plus avantageux, mais loin du miracle attendu par certains consommateurs suite à l’annonce.
Selon Europe 1, les tarifs exercés avec cette offre seraient 16% moins élevés que les tarifs opérés actuellement par EDF.
Mais comme précisé ci-dessus, cette baisse de 16% ne peut s’opérer que sur un tiers de la facture, et donc sur le prix du KWh en lui même, et non pas sur le montant totale de celle-ci.
Il s’agit là d’ « une ambiguïté sur laquelle jouent beaucoup de fournisseurs », déplore Frédérique Coffre, Directrice Générale des services chez Le médiateur national de l’énergie.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’au cours de cette année, l’association CLCV (Consommation Logement et Cadre de Vie) a déjà assigné en justice trois fournisseurs d’énergie (Engie, CDiscount et Total Spring) pour « pratiques commerciales trompeuses », notamment concernant les rabais proposés. Un « détail » auquel le groupe E.Leclerc devra donc faire attention s’il ne veut pas s’exposer aux mêmes poursuites.
Michel-Edouard Leclerc précise également que « Les clients porteurs de notre carte fidélité (14,2 millions, NDLR) bénéficieront de la plus importante réduction avec des remises sous forme de bons d’achat, sachant que tous nos futurs clients profiteront d’un tarif compétitif par rapport à la concurrence».
C’est donc ici ET uniquement pour les détenteurs de la carte fidélité que la réduction la plus importante devrait s’opérer. Une réduction qui ne sera toutefois pas visible directement sur la facture mais qui se traduira en bons d’achat dans les centres E.Leclerc. Un autre moyen pour le groupe de booster ses volumes de ventes et de fidéliser ses clients, sans pour autant perdre de l’argent.
Une offre 100% verte
Au delà du tarif plus attractif, notamment pour les clients E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc précise que « E.Leclerc propose une offre « verte » et compensera donc en achetant un certificat d’électricité « Garantie d’origine » certifiant que chaque KWh d’électricité acheté a été produit à partir d’une source d’énergie renouvelable (hydraulique, éolien et solaire) ».
Là encore, la promesse d’une électricité 100% verte ET moins chère a de quoi faire rêver les consommateurs soucieux de l’environnement.
Mais qu’en est-il vraiment de l’énergie verte dans les différentes offres déjà proposées par la concurrence ?
Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie et environnement chez UFC-Que-Choisir, a fait un point sur le fonctionnement de ces offres : « Aujourd’hui, sur la soixantaine d’offres d’énergie alternatives existantes, la moitié environ sont labellisées « 100 % vertes », mais entre la plus chère et la moins chère, on observe 400 euros de différence par an pour un l’utilisation d’un chauffe-eau. Dans l’état actuel de la réglementation le label « énergie verte » recouvre des stratégies très différentes : les offres les plus chères cumuleront garanties d’origine et l’achat direct à des producteurs d’électricité renouvelable (éolien, solaire ou photovoltaïque), tandis que les moins chères se contenteront de garanties d’origine mais s’approvisionneront sur le marché de gros avec un mix d’énergie classique (nucléaire, fossile, renouvelable, etc.) Et ça le consommateur ne le sait pas et ne peut pas forcément le savoir ».
D’autres personnes remettent en doute cette nouvelle offre d’électricité uniquement verte, notamment Myriam Maestroni, fondatrice de la plateforme Payermoinscherlenergie.fr, interrogée par les Echos, en expliquant que « les prix proposés par E.Leclerc ne semblent cependant pas tenables à long terme en utilisant uniquement des énergies vertes. À moins que l’on considère le nucléaire comme une énergie verte ».
Quelle évolution pour les tarifs ?
Au sein de sa tribune, le PDG du groupe a précisé que ces « tarifs d’énergie seront garantis 1 an, et qu’il ne s’agira donc pas d’une offre promotionnelle de lancement. ». En revanche quand est-il de la suite ? Ces tarifs resteront-ils fixes et équivalents à cette première année ?
Si les tarifs de la première année n’ont pas encore été communiqués, aucune information n’a non plus été fournie quant à la possible évolution des tarifs.
Il est toutefois raisonnable de penser que les tarifs devraient augmenter rapidement.
En effet, pour quasiment l’ensemble des fournisseurs d’électricité qui se sont lancés ces dernières années sur ce marché, une augmentation des tarifs est très vite arrivée malgré des offres qui paraissaient plus qu’avantageuses au début.
E.Leclerc, qui ne peut pas vendre à perte, ne devrait donc pas déroger à la règle et risque donc de se retrouver très vite à des prix similaires à ceux de ses concurrents, passé la première année.
Concernant la communication et le marketing de cette nouvelle offre, E.Leclerc dispose en revanche d’un atout de taille par rapport à ses concurrents pour gagner des parts de marché : son réseau de grandes surfaces au sein duquel les consommateurs pourront être soumis à de nombreux messages publicitaires pour l’offre électrique d’E.Leclerc, ainsi que de nombreuses actions commerciales d’informations et de ventes d’abonnement sur le terrain.
Les titulaires de la carte fidélité, qui devraient avoir accès à des réductions supplémentaires devraient logiquement se laisser séduire plus facilement.
L’ouverture du marché de l’énergie aux acteurs privés
Si pour le moment il s’agit encore d’un secteur très fermé et politisé, l’état français détenant aujourd’hui plus de 85% des parts d’EDF, le principal fournisseur d’électricité en France et en Europe, l’arrivée de nouveaux acteurs privés ces dernières années, depuis l’ouverture à la concurrence en 2007, tend à la libéralisation du marché, ce qui offrira un réel choix aux consommateurs.
« C’est une nouvelle offre, ça élargit la palette de choix du consommateur », observe Frédérique Coffre, directrice générale des services du médiateur national de l’énergie.
Aujourd’hui, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), sur les 32,4 millions de clients particuliers français, seul 19% (6,25 millions) sont abonnés à une offre « de marché » et 17,9% ont choisi un fournisseur alternatif.
Les principaux concurrents qui viennent d’apprendre l’arrivée de Leclerc sur ce marché ne paraissent pas inquiets. Pour la plupart ils estiment que les prix ne pourront pas réellement être cassés, puisque seules leurs marges pourront être diminuées, mais pas de manière extravagante, auquel cas le groupe ne pourrait réaliser aucun bénéfice.
Cependant, il est vrai que la montée en puissance de ces nouveaux acteurs pâti également de la méconnaissance de beaucoup d’entre nous à propos des conditions qui régissent nos contrats d’électricité.
En effet, « Beaucoup pensent encore que c’est payant ou que cela provoque des coupures d’énergie et craignent de ne pas pouvoir revenir chez EDF s’ils changent d’avis »,observe Nicolas Mouchnino.
Concernant le passage à une offre électrique E.Leclerc, le groupe précise que « le changement de fournisseur sera gratuit et entièrement géré par « Energies E.Leclerc »,et le nouveau service sera opérationnel sous 1 et 3 jours ouvrés pour un changement de fournisseur et sous 10 jours ouvrés pour une première mise en service ».