Bientôt des batteries en diamant à base de déchets nucléaires ?

Et s’il était possible de pallier au fléau des déchets radioactifs du nucléaire, tout en créant une source d’énergie propre et durable ?

C’est en tout cas l’objectif de plusieurs chercheurs de l’université de Bristol en Angleterre. Ils tentent de mettre au point un procédé permettant de fabriquer des piles à partir de diamants et alimentées par des déchets radioactifs issus de centrales nucléaires.

Publiée le 20 janvier dernier, leur étude fait part de leurs recherches sur la question, et de leur réussite à encapsuler des matières radioactives à l’intérieur de diamants.

Une découverte inédite qui fait face à plusieurs problématiques. En plus de régler l’énorme problème posé par les déchets radioactifs, elle pourrait créer une source d’énergie propre et quasiment inépuisable.

Retour sur cette solution prometteuse dans notre article de la semaine.

 

 

Les conséquences alarmantes du traitement des déchets radioactifs 

 

Aujourd’hui, la gestion des déchets du secteur nucléaire est lourde de conséquences.
Dans la majorité des cas, le temps qu’ils perdent leur radioactivité (pour les plus faibles d’entre eux), ces déchets ne disparaissent pas. Ils sont stockés dans d’anciennes centrales ou enfouis dans des entrepôts situés à des centaines de mètres sous terre.

Or leur durée de vie peut varier de 10 à 100 000 ans pour les matériaux les plus radioactifs.

« A chaque étape de l’industrie nucléaire, des déchets radioactifs sont produits. Après plus de soixante ans d’exploitation nucléaire, le territoire français continue d’accumuler des tonnes de déchets radioactifs, dont certains sont extrêmement dangereux et le resteront pendant des milliers d’années. Aujourd’hui, il n’y a pas une région en France qui ne soit concernée par les déchets et rejets radioactifs : ils sont présents non seulement sur les sites nucléaires, mais circulent aussi sur nos routes et voies ferrées, parfois dans des zones densément peuplées. », précise Greenpeace sur son site.

 

// Vous pouvez d’ailleurs voir la carte de ces sites sur le site de l’association ici.

 

C’est ce sujet qui inquiète, provoquant tout l’intérêt des chercheurs de l’Université de Bristol.

Leur idée ? Utiliser un déchet radioactif issu de centrales nucléaires fermées pour le transformer en une électricité durable. A l’heure actuelle, le Royaume-Uni posséderait un stock de 95 000 tonnes de ces déchets. Si le projet venait à se concrétiser, cette quantité représenterait un fort potentiel énergétique.

 

 

Carbone-14 + déchets nucléaires = énergie ?

 

En étudiant de plus près le carbone-14, l’équipe de scientifiques s’est aperçue que son isotope radioactif se concentrait en grande partie à sa surface externe. En le chauffant, la radioactivité de l’isotope se transforme en gaz. Après son évaporation, il est plus facilement prélevable que sous sa forme initiale.

Après l’évaporation de l’isotope, les chercheurs pourront donc le capturer pour le solidifier en diamant, autre forme du carbone.

Ce n’est pas fini. A ce stade, les chercheurs ont pu observer que créé de cette manière, le diamant était alors capable de générer de l’électricité.

Concrètement, une fois les matières radioactives encapsulées à l’intérieur des diamants, le rayonnement radioactif à courte durée émis par le carbone-14 peut être converti en électricité durable.

Le carbone-14 permettrait donc de fabriquer des piles en diamants radioactifs, capables de fournir du courant sur une période très longue, et sans aucune émission de CO2.
Grâce à cette méthode, la radioactivité serait entièrement captée et contenue dans ce diamant, annulant par la même occasion tout risque d’exposition pour l’utilisateur.

Pour ce projet, le carbone-14 n’a pas été choisi au hasard. Il est présent en grande quantité dans le graphite. Ce matériau était très répandu dans les années 50. On s’en servait pour rendre les premières centrales nucléaires étanches, centrales qui ne sont plus en fonctionnement à l’heure actuelle.

Des millions de tonnes de ce matériau sont donc à disposition dans le monde, représentant une véritable ressource à exploiter.

 

// À (re)lire : « Excell » : le plan d’EDF pour redorer le blason du nucléaire français.

 

Une source d’énergie propre ET durable

 

De plus, le carbone-14 représente un réel intérêt au niveau de sa durabilité. En effet, la radioactivité de cet isotope représente une « demi-vie » (période radioactive) égale à 5730 ans.

« Une pile de ce type contenant 1 gramme de C14 peut fournir 15 joules par jour et maintenir ce niveau de production pendant 5.730 ans », précise Tom Scott, l’un des chercheurs.

Si le projet venait à aboutir, cette batterie aurait donc une durée de vie quasiment infinie à l’échelle humaine.

Il s’agit donc ici d’un générateur bêtavoltaïque, qui produit son électricité de manière autonome à partir de l’énergie d’une émission radioactive d’électrons. Avec une batterie dans ce genre, n’importe quel appareil électrique pourrait fonctionner sans jamais avoir besoin d’être rechargé, à l’aide d’une énergie propre et durable.

 

 

Limiter l’héritage nucléaire du Royaume-Uni

 

L’équipe de chercheurs espère puiser les déchets dans plusieurs sources. D’abord dans la centrale nucléaire de Berkeley, déclassée depuis 1989 (Gloucestershire, Angleterre) ; ensuite celle d’Oldbury, actuellement en cours de déclassement ; mais aussi dans des réacteurs d’Hinkley Point auxquelles s’ajoutent quelques autres centrales déclassées du Royaume-Uni.

« Notre objectif ultime est d’avoir une usine basée dans l’une des anciennes centrales électriques du Sud-Ouest, pour prendre les isotopes du carbone 14 directement depuis les blocs de graphite et les utiliser dans des batteries au diamant. Cela réduirait considérablement la radioactivité du matériel restant, ce qui le rendrait plus facile et plus sûr à gérer », a précisé le spécialiste des métaux radioactifs Tom Scott.

Ces recherches de l’université de Bristol s’inscrivent dans le projet ASPIRE (Advanced Self-Powered sensor units in Intense Radiation Environments). Il poursuit un double-objectif : assainir l’environnement en luttant contre l’héritage nucléaire du Royaume-Uni. Il s’appuie sur la gestion des déchets radioactifs, et sur le développement de technologies associées. Dans ce secteur, le coût d’ASPIRE s’élève à 115 milliards de livres sterling de dépenses pour les 120 prochaines années.

Le Royaume-Uni prévoit également l’arrêt d’une grande partie de ses centrales nucléaires dans les 15 années à venir : un grand nombre de déchets potentiels à traiter donc.

 

 

De nombreuses utilisations possibles…

 

Tom Scott a déclaré qu’« au cours des dernières années, nous avons développé des capteurs à très faible puissance qui récupèrent l’énergie de la désintégration radioactive. Ce projet est désormais à un stade assez avancé, et nous avons testé les batteries dans des endroits aussi extrêmes que le sommet d’un volcan ! ».

Ces piles pourraient donc être utilisées dans de nombreux domaines, pour des applications bien différentes, et dans des endroits où les modèles développés jusqu’à maintenant ne conviennent pas.

Par exemple, l’université envisage de l’orienter dans le domaine médical (pour l’aide auditive ou la pose d’implants médicaux), ou encore dans le domaine spatial (pour alimenter satellites et autres engins spatiaux).

Les possibilités sont multiples. Le champ d’application est si vaste que l’Université de Bristol a lancé le hashtag #diamondbattery dans le but de réunir et récolter les suggestions des internautes. Parmi leurs propositions se trouveront peut-être de très bonnes idées.

Pour le moment, la recherche est encore au stade du prototype. Le communiqué de l’Université de Bristol indique que les chercheurs n’utilisent pas encore le carbone-14 pour ces recherches mais du nickel-63.

Les scientifiques espèrent donc que l’utilisation du carbone-14 répondra aux attentes voulues. Si c’est le cas, cette batterie résoudra divers problèmes de la filière, extrapolables. L’enjeu est d’apporter une réelle alternative à la vie des déchets radioactifs.

 

 

 

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